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Module 7 – Perspectives écoféministes

Transcription – Module 7

Aperçu de la vidéo

Une vidéo de 9 minutes et 07 secondes où la sociologue Élisabeth Germain présente les fondements de la pensée et des pratiques écoféministes. La présente transcription compte 1686 mots.

Début de la vidéo

[Une musique de fond joue.]

[Image : On montre une très courte séquence d’ouverture; le logo du projet ATOPOS se trouve à gauche; au centre est inscrit le titre « Module 7 – Perspectives écoféministes ». En arrière-plan, on montre une illustration représentant une femme assoupie sur un lit de fleurs. Dans le coin supérieur droit de l’écran se trouve le logo du Centre collégial de développement de matériel didactique.]

[Le volume de la musique de fond diminue et reste à peine audible jusqu’au début du générique.]

[Image : On découvre l’intervenante invitée pour ce module, Élisabeth Germain, qui sourit à la caméra. Dans un bandeau au bas de l’écran, son nom est indiqué. Le logo du Centre collégial de développement de matériel didactique reste affiché dans le coin inférieur droit de l’écran. Élisabeth Germain s’adresse directement à la présentatrice, qui est assise hors champ. Tout au long de l’entretien, la prise de vue alterne entre divers plans rapprochés à la taille et à la poitrine ainsi qu’un gros plan sur le visage de l’intervenante.]

Élisabeth Germain : Je suis Élisabeth Germain. Je suis sociologue de profession. J’ai commencé par faire de la recherche universitaire et je me suis ensuite orientée vers les groupes communautaires et, plus particulièrement, les groupes de femmes. Aussi en coopération internationale deux ans en Afrique de l’Ouest. Et maintenant, je suis à la retraite du travail salarié, mais je continue à militer dans les groupes de femmes particulièrement.

Aujourd’hui, je vais vous parler d’écoféminisme.

[Audio : En voix hors champ, la présentatrice pose une première question.]

[Infographie : Au centre de l’écran, on relève la question : « Qu’est-ce que la perspective écoféministe? »]

Sophie Savard-Laroche : Qu’est-ce que la perspective écoféministe?

Élisabeth Germain : Il y a plusieurs perspectives écoféministes. Moi, j’étais au départ féministe, depuis toujours.

[Infographie : À la gauche de l’écran, on montre la page couverture du livre Vers une écologie de l’esprit, de l’auteur Gregory Bateson.]

Et, en fait, ma première rencontre sérieuse avec l’écologie, ça a été Gregory Bateson, au début des années 1980, avec son livre Vers une écologie de l’esprit.

Et ça a été pour moi une découverte que les idées, comme les plantes ou les animaux, avaient besoin d’un milieu pour se développer, d’un milieu qui les nourrit, qui les porte, où elles se développent aussi de façon originale.

Mais cette idée-là, d’une écologie de l’esprit, comme a dit Bateson, moi, ça m’a vraiment fascinée.

Puis, quand je suis allée en Afrique de l’Ouest au début des années 2000, les femmes dans un village où on était – c’était totalement déboisé autour, mais les femmes avaient besoin de bois pour faire le dîner. Donc, à ce moment-là, on a introduit une nouvelle forme de foyer. Ça évitait aux femmes d’aller chercher leur bois de plus en plus loin dans la forêt.

Alors, ça a été ma prise de conscience que l’écologie changeait la vie des femmes. Ensuite, bien évidemment, la crise écologique s’est révélée de plus en plus à nous. Je me suis dit : « Comment je peux, avec un regard féministe, regarder autrement la crise écologique? »

D’abord, ce qu’on voyait, ce qui se disait au point de vue féministe, c’est que les femmes étaient plus souvent victimes des crises écologiques, ou qu’elles étaient beaucoup moins équipées pour y faire face.

[Image : On montre brièvement la présentatrice en position d’écoute active, puis on revient à un plan rapproché d’Élisabeth Germain.]

Ensuite, on s’est mis à parler de ce que les femmes peuvent faire pour réduire la consommation désastreuse.

Puis, le troisième stade, c’est qu’est-ce que les femmes ont à dire sur la crise écologique? Est-ce qu’elles ont une vision à proposer? Puis, en fait, en partant du point de vue féministe, où les féministes se sont aperçues que, dans le fond, toute la question de la survie, de la subsistance, était chamboulée par la crise écologique, mais qu’il fallait peut-être mettre ça au centre des préoccupations. C’est-à-dire, quelles sont les activités nécessaires à la vie?

Pour moi, c’est ça l’écoféminisme.

[Audio : En voix hors champ, la présentatrice pose une deuxième question.]

[Infographie : Au centre de l’écran, on relève la question : « En quoi la perspective écoféministe est-elle utile pour penser des enjeux actuels? »]

Sophie : En quoi la perspective écoféministe est-elle utile pour penser des enjeux actuels?

Élisabeth : Moi, je vais dire ce que je vois comme enjeux actuels.

La crise écologique, ça, c’est sûr. Je vais dire « les crises écologiques », parce que, oui, il y a la crise climatique, mais il y a tout l’aspect de la diversité biologique qui se perd, et la pollution qui est de plus en plus envahissante.

Le deuxième défi que je vois, c’est la question des migrations. Dans le Nord, on refuse les migrations qui viennent du Sud, mais le Sud, c’est inévitable qu’il cherche à migrer vers le Nord, avec tout ce qui se passe; et tout ce qui se passe, qui est le résultat de la colonisation par le Nord.

Puis, le troisième défi que je vois, c’est la montée des droites : mais la montée de l’autoritarisme, la montée du besoin d’avoir des règles fermées qui protègent les privilèges des uns et des autres.

Et, aussi, les droites ne s’occupent pas de la planète et de l’écologie. Elles écartent cette question-là.

Puis, en quoi l’écoféminisme aide à faire face à ces problèmes-là? C’est que je pense que le fond de l’écoféminisme, le fond de l’écologie, c’est les connexions. Ce qui est vraiment spécifique, je trouve, à l’écologie, c’est d’arrêter ce regard objectif, détaché, rationnel, qui coupe tout, puis de voir toutes les connexions entre les êtres vivants et les non-vivants, mais de voir comment même les vivants les plus autonomes sont interdépendants de leur entourage.

Alors, cette notion de connexion, à son tour elle appelle la notion de soin, parce que si tu veux que la vie dure alors que tout le monde est interconnecté, il faut que tout le monde prenne soin de tout le monde. Et en même temps, ça, ça assure une liberté, parce que quand tu sais que d’autres vont prendre soin de toi – parce que la responsabilité du soin est partagée –, je trouve qu’à ce moment-là, ça devient des clés pour comprendre et pour agir.

Parce que si on se dit : « le soin, c’est primordial », une des conséquences de ça, c’est que l’écoféminisme dit : « Il faut changer le système économique ». Parce qu’on a un système économique qui est axé sur la productivité, qui transforme tout en ressources exploitables et marchandisables. Alors, ça, c’est destructeur.

Tandis que si on veut mettre le soin au centre, on va virer l’économie de bord; le soin, au lieu d’être quelque chose de secondaire, d’invisibilisé, de méprisé, ça va devenir au centre. On veut, en économie féministe, mettre les soins au centre de l’organisation sociale.

[Audio : En voix hors champ, la présentatrice pose une troisième question.]

[Infographie : Au centre de l’écran, on relève la question : « En quoi la perspective écoféministe peut-elle profiter de l’alliance entre la pratique et la théorie? »]

Sophie : En quoi la perspective écoféministe peut-elle profiter de l’alliance entre la pratique et la théorie?

Élisabeth : Les premières écoféministes, elles ne se savaient pas écoféministes, elles ne portaient pas le qualificatif d’écoféministe. Les premières écoféministes, c’est des femmes qui ont décidé de protéger leurs sources et leurs activités de subsistance contre l’envahissement par les compagnies et contre le pouvoir patriarcal.

Alors, les femmes qui étaient en charge de la subsistance de leur famille se sont heurtées à des problèmes comme le contrôle des semences par des compagnies multinationales, les forêts qui étaient dépeuplées par les forestières. Alors, les femmes avaient besoin de la forêt pour plusieurs de leurs ressources vitales. Ailleurs, c’est l’eau qui a été mise en jeu, entre autres, par les compagnies minières dont la production finissait par polluer l’eau.

Donc, les femmes, étant en charge de la subsistance des familles, se sont dressées contre ces compagnies-là pour sauver leurs moyens de subsistance.

Mais c’est après, dans la réflexion, que des féministes, entre autres, ont dit : « Hé, mais ça, c’est une action particulière! », qui ont vu que les femmes prenaient soin de la nature tout en développant leur propre pouvoir. Et c’est là qu’elles ont appelé ça de l’écoféminisme.

[Image : On montre brièvement la présentatrice en position d’écoute active, puis on revient à un plan rapproché d’Élisabeth Germain.]

L’écoféminisme a d’abord été une pratique qui n’avait pas de nom. La réflexion a fait que ça s’est théorisé pour devenir ce qu’on articule aujourd’hui comme écoféminisme.

Mais la théorie, si ce n’est pas relié à la pratique, ça pond beaucoup d’idées, mais ça perd de la subsistance.

Alors, il faut retourner sans cesse à la pratique, aller s’immerger dans la pratique des femmes pour retrouver le dynamisme, le sens et le développement. Une théorie, ce n’est pas établi une fois pour toutes. Une théorie, c’est la possibilité de penser les choses pour qu’elles nous soient accessibles, pour qu’on puisse les comprendre et agir dessus.

Alors, le mouvement de la théorie à la pratique, il est essentiel à peu près partout, mais plus particulièrement aussi quand il s’agit des activités vitales, puis de la survie de l’humanité et de la planète.

[Fondu au noir.]

[Le volume de la musique de fond remonte.]

Fin de la vidéo

Début du texte du générique de la vidéo

Conception pédagogique

Benoît D’Amours Sophie Savard-Laroche

Présentatrice

Sophie Savard-Laroche

Personne invitée

Élisabeth Germain

Production vidéo

Production Arborescence

Chargé de projet CCDMD

Michel Hardy-Vallée

Fin du texte du générique de la vidéo

[La musique de fond cesse.]

[Texte à l’écran : https://atopos.ccdmd.qc.ca © Centre collégial de développement de matériel didactique, Collège de Maisonneuve, 2025]