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Module 11 – Perspectives queers

Transcription – Module 11

Aperçu de la vidéo

Une vidéo de 7 minutes et 43 secondes où le traducteur et artiste de la scène et de drag Jordan Arseneault présente les fondements des perspectives queers. La présente transcription compte 1573 mots.

Début de la vidéo

[Une musique de fond joue.]

[Image : On montre une très courte séquence d’ouverture; le logo du projet ATOPOS se trouve à gauche; au centre est inscrit le titre « Module 11 – Perspectives queers ». En arrière-plan, on montre une illustration représentant une foule de personnes, de dos, agitant des drapeaux de la fierté. Dans le coin supérieur droit de l’écran se trouve le logo du Centre collégial de développement de matériel didactique.]

[Le volume de la musique de fond diminue et reste à peine audible jusqu’au début du générique.]

[Image : On découvre l’intervenant invité pour ce module, Jordan Arseneault, qui sourit à la caméra. Dans un bandeau au bas de l’écran, son nom est indiqué. Le logo du Centre collégial de développement de matériel didactique reste affiché dans le coin inférieur droit de l’écran. Jordan Arseneault s’adresse directement à la présentatrice, qui est assise hors champ. Tout au long de l’entretien, la prise de vue alterne entre divers plans rapprochés à la taille et à la poitrine ainsi qu’un gros plan sur le visage de l’intervenant.]

Jordan Arseneault : Mon nom, c’est Jordan Arseneault. Je suis né au Nouveau-Brunswick sur le territoire traditionnellement malécite et micmac. J’habite à Montréal et je suis traducteur, artiste de scène et de drag. Et aujourd’hui, j’espère vous guider dans une géographie de pensée qui s’appelle les perspectives queers.

[Audio : En voix hors champ, la présentatrice pose une première question.]

[Infographie : Au centre de l’écran, on relève la question : « Comment est-ce que tu pourrais nous présenter la perspective queer? »]

Sophie Savard-Laroche : Comment est-ce que tu pourrais nous présenter la perspective queer?

Jordan : La perspective queer. On entend beaucoup parler de ce que c’est, cette perspective critique sur la nature du genre. C’est, en fait, une perspective sur la prohibition identitaire.

Lorsqu’on est lesbienne, bispirituel(le), gai(e), bi, trans… dans les dernières 30 années surtout, on a décidé de se mettre ensemble et solidaires, pas derrière des intellectuels et des politiciens, mais entre nous.

[Infographie : À la gauche de l’écran, on relève le nom de l’auteur José Esteban Muñoz.]

Dans des espaces principalement décrits par José Esteban Muñoz comme le cabaret, comme étant un peu notre écologie de base.

Le queer, c’est vraiment… ce n’est pas gentil. Il y a une affiche célèbre, une sérigraphie célèbre des années 1990 :

[Infographie : À la gauche de l’écran, on relève le slogan : « NOT GAY AS IN HAPPY. QUEER AS IN FUCK THE POLICE »]

« Not gay as in happy. Queer as in fuck the police. »

C’est-à-dire, ce n’est pas nécessairement des idées qui sont vouées à être socialement acceptables, parce qu’on répond à une prohibition qui était moralement inacceptable, et dès un très jeune âge.

[Audio : En voix hors champ, la présentatrice pose une deuxième question.]

[Infographie : Au centre de l’écran, on relève la question : « En quoi l’approche queer est-elle utile pour penser des enjeux actuels? »]

Sophie : En quoi l’approche queer est-elle utile pour penser des enjeux actuels?

Jordan : En fait, ce qu’est le queer dans ses débuts, il y a 40 et 30 ans, c’est une réponse. C’est une générativité du féminisme, qui avançait l’idée qu’il y avait une prohibition de l’autorité féminine, une prohibition de la solitude féminine et, même jusqu’en 1969, une prohibition du divorce, de l’avortement et de plusieurs autres droits.

Comment ça peut être utile pour comprendre l’histoire? Je pense que ça peut aller très loin. Une lecture queer se fait présentement sur presque toute époque, parce qu’on a toujours été là. La manière qu’on a été prohibés change.

Alors, on parle de Jeanne d’Arc et de son tribunal du XVᵉ siècle. Et pourquoi? C’est parce qu’elle s’habillait en pantalon, elle se mettait une armure, ce qui était complètement banni pour les femmes. Elle a été, je dirais, kidnappée, mais aussi prise en otage.

[Infographie : À la gauche de l’écran, on relève le nom de Jason Crawford, du Collège Champlain.]

Son tribunal, et la manière que Jason Crawford, du Collège Champlain, enseigne l’humanisme occidental au complet : qu’est-ce que c’est, mettre une héroïne de guerre devant un tribunal ecclésiastique et qu’elle finit par se faire brûler vivante?

Pourquoi les idées influencent la vie de cette personne codée complètement « transmasculinement », si on veut, une personne qui n’accordait pas toujours le genre à ses mots, mais qui menait aussi une armée? Qu’est-ce qu’est cette personne?

[Image : On montre brièvement la présentatrice en position d’écoute active, puis on revient à un plan rapproché de Jordan Arseneault.]

Moi, je pense que le but de ces professeur(e)s, ce n’est pas nécessairement de louer cette personne dans l’histoire comme étant un modèle, mais c’est plutôt une manière de prendre un microscope vers une cicatrice qui existe depuis très longtemps, une cicatrice de la prohibition de certains comportements et certains énoncés au « je »; le « je t’aime » envers la personne avec les mauvaises parties génitales pour le contexte où on se situe, par exemple.

Alors, le contexte peut faire violence à l’individu et, aussi, les groupes peuvent contribuer à réitérer ces cicatrices et cette honte. « De quoi vous avez honte? », je demanderais à toute personne.

[Audio : En voix hors champ, la présentatrice pose une troisième question.]

[Infographie : Au centre de l’écran, on relève la question : « En quoi la perspective queer peut-elle profiter d’une alliance avec les arts? »]

Sophie : En quoi la perspective queer peut-elle profiter d’une alliance avec les arts?

Jordan : On revient en 1992-1993. Ce sont les années de la plus haute mortalité des personnes vivant avec le VIH, avec les gens qui mouraient du sida, ce qui est très rare présentement au Canada.

[Image : On montre brièvement la présentatrice en position d’écoute active, puis on revient à un plan rapproché de Jordan Arseneault.]

C’étaient les années les plus sombres pour cette communauté, qui a été gravement affectée par cette terrible impossibilité du fait que la sodomie non protégée est particulièrement propice à la propagation de ce virus.

Et, à cette époque-là, on a aussi une chanson de la musique house qui est reprise souvent…

[Infographie : À la gauche de l’écran, on relève les crédits de la chanson « What is Love » : Halligan, D.D. (1993). « What is Love ». (Enregistrée par Haddaway), sur The Album (LP). Coconut Records.]

Alors, ce que le queer demande, c’est la question de l’amour, la question du genre, la question de la justice.

[Infographie : À la gauche de l’écran, on relève les noms de Sara Ahmed, Eve Kosofsky Sedwick et José Esteban Muñoz.]

La question pour Sara Ahmed, c’est l’émotion même. C’est l’objet pour Eve Kosofsky Sedgwick. C’est la performance pour José Esteban Muñoz.

Très dangereusement, pour une personne qui est maintenant une cible presque deux dimensionnelle.

[Infographie : À la gauche de l’écran, on relève le nom de l’autrice Judith Butler.]

Pour Judith Butler, c’est l’idée du genre troublé. L’idée du genre comme troublante et comme nécessairement « troublable », et trouble. Alors absolument contrôlant dans la nécessité avec laquelle les gens s’en prennent.

À l’intérieur de tout ça, le VIH nous a appris quelque chose. Ça nous a appris que, finalement, ça prend des fois d’énormes efforts entre les États et les communautés pour pouvoir, par exemple, financer de la recherche avancée.

Mais ça aussi, ça nous a appris l’importance de l’aide mutuelle, et le fait qu’une idée de l’État comme étant nécessairement bénéfique envers l’individu, envers les communautés, c’était un mythe imposé par la démocratie libérale actuelle.

Qu’il y a d’habitude quelqu’un qui perd dans ses jeux de poker, qui se passe à côté dans toute législature.

[Image : Gros plan sur le livre que tient Jordan Arseneault dans ses mains, 11 brefs essais queers, ouvrage collectif sous la direction de Marie-Ève Kingsley.]

Ce discours, c’est une production qui a influencé beaucoup de rejet. Et, à la base, je pense qu’ici on peut voir aussi un aspect simili queer, même dans le Refus global, cette œuvre qui a défini le modernisme québécois dans l’art, dans la performance.

[Infographie : À la gauche de l’écran, on relève les noms de Paul-Émile Borduas, Françoise Sullivan, et al., et on montre la couverture originale du manifeste Refus global.]

Avec Françoise Sullivan et Paul-Émile Borduas, etc. Qu’est-ce que ce refus? C’est parce qu’on a certains types de honte et certaines restrictions qui ne font pas de sens. Et ça prend une génération nouvelle pour décider le pourquoi, qu’est-ce qu’on garde et qu’est-ce qu’on rejette.

Normalement, on dirait que c’est une partie naturelle d’une société qui est autocritique.

[Fondu au noir.]

[Le volume de la musique de fond remonte.]

Fin de la vidéo

Début du texte du générique de la vidéo

Conception pédagogique

Benoît D’Amours Sophie Savard-Laroche

Présentatrice

Sophie Savard-Laroche

Personne invitée

Jordan Arseneault

Production vidéo

Production Arborescence

Chargé de projet CCDMD

Michel Hardy-Vallée

Fin du texte du générique de la vidéo

[La musique de fond cesse.]

[Texte à l’écran : https://atopos.ccdmd.qc.ca © Centre collégial de développement de matériel didactique, Collège de Maisonneuve, 2025]